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Biographie

Un cinéma détaché.

 

Ce n’est pas tous les jours que l’on perçoit les qualités dramatiques d’une vache dans un pré, encore moins si elle se contente de ruminer à l’écran durant trois minutes. Ce film d’apparence simple, Georges Rey l’a pensé (« ruminé » dit-il plaisamment) durant six mois. Puis l’a réalisé en 1969, selon un procédé radical qu’il explorera à plusieurs reprises : une seule caméra, un plan fixe, et une bobine de 16 mm qui détermine la durée du film (2’46’’). Dans cet intervalle, l’action du cinéaste est la plus minime possible. 

Comment expliquer l’attention hypnotique qui s’instaure devant ce film ? Sans doute à cause de l’interchangeabilité des rôles, cette sensation que l’on est regardé autant que l’on regarde – trente ans avant que Georges Didi-Huberman n’approfondisse cette idée.  Mais surtout par l’acuité des liens qu’il tisse avec le cinéma classique : chaque œillade de la bête vers le cinéaste, chaque interruption de sa mastication apparaissent comme les indices d’une direction d’acteurs, les marques inconcevables d’un scenario maîtrisé à la perfection. L’hilarité gagne souvent le public devant ce court-métrage qui distille une incroyable intensité, tout en affichant clairement ce qu’il doit au hasard. 

Cette dialectique entre hasard et décision artistique habite deux autres films que Georges Rey réalise aussi en 1969 : « La source de la Loire », qui est un nouveau plan fixe en 16 mm sur un filet d’eau qui palpite. La représentation du fleuve le plus prestigieux de notre géographie hexagonale s’enlise dans un coteau humide, cadré de si près que l’échelle est incertaine. Envoûté par la cavité cyclopéenne qui délivre un écoulement continu, le spectateur finit par aborder les plus grandes métaphores.

Dans « L’homme nu » enfin, Georges Rey prend la lumière et le mouvement comme phénomènes scénaristiques. Il synchronise un travelling avant avec une augmentation de la lumière. L’homme nu s’évanouit dans un embrasement blanc en 2 mn 46. Fin de l’histoire.

A travers ces films courts, sans montage, c’est une perturbation de nos habitudes que nous devons affronter : nous passer de l’appui narratif d’un scenario, gérer les errements de notre regard, chercher le véritable sujet du film. Sans doute aussi ces films laconiques nous conduisent-ils à toucher à des vérités latentes : découvrir la vie à travers l’écoulement continu d’une énergie, ressentir le cinéma comme une rencontre, nous dessaisir de notre vision première pour trouver un contenu caché. L’intensité qui traverse ces films ne passe pas par l’action, mais elle est si présente qu’elle assurera un succès à la vache du Mont Gerbier de Jonc de Paris jusqu’à New York.

Lorsqu’il pratique la photo, Georges Rey applique un principe comparable. Son étrange série des élastiques en témoigne, dont le sujet a priori anecdotique (des élastiques tombés sur le trottoir) nous donne à contempler un équilibre des forces produisant des torsions complexes, qui frappent de fragilité et de justesse.  D’autres images encore saisissent des instants d’évanescence - axiome de la photographie : une architecture se répand en volutes sur un capot lustré, des fenêtres s’évadent dans un pavage de lumière. Incidence et légèreté, présentation de formes qui n’existent pas. 

 

« Je souhaite que tous mes films aient une valeur de « première fois », sans aucune référence à d’autres films ». Sur la base de cette déclaration de 1968, Georges Rey diversifie ses manières de filmer, restant toujours proche d’un certain cinéma expérimental dont il connaît l’effervescente variété. C’est autant les limites du médium filmique que le sens de l’amusement et de la dérision que Georges Rey poursuit, comme d’autres réalisateurs de cette scène féconde des années 1970 : logé 

dans un balancement entre élégance et détachement.

 

Pour rappel, «L’amour la plus grande imposture de tous les temps » (1975-78), est un moyen-métrage qu’il tourne sans cadrer, caméra à la poitrine. Il explore moins le côté plastique auquel on associe l’expérimental, que l’autre versant, celui qui déconstruit le récit, le fragmente, et qu’il exaltera particulièrement dans ses relations avec la scène punk des années 80. Toujours vissée au réel, sa caméra sera tirée vers une écriture plus mouvante et subjective (« Une soirée avec Marie et les garçons », « Répétition », « Punk ? ») pratiquant alors les ruptures de champ, les syncopes du son, les plans serrés, moins pour documenter des moments off ou des concerts que pour capturer ces flux impalpables, qui rayonnent lorsque liberté et création se déploient en direct.

 

Son activité cinématographique se poursuit auprès d’autres artistes, qu’il filme toujours à sa manière, à la fois distante et attentive, transmettant à travers le temps les questionnements des artistes qui débutent dans les années 1990 : Philippe Parreno, avec lequel il fera un film performatif (No more reality), Philippe Perrin, Pierre Joseph. Dans « Les enfants gâtés de l’art », (1991) il suit les jeunes artistes au cours d’une résidence à la Villa Arson, naviguant avec légèreté entre leurs interrogations métaphysiques et leur style show off. 

 

 

Au nombre des expériences conduites par Georges Rey, on doit mentionner le magnifique « Regards caméra » (2015) tourné dans un tramway à Nice, et dont le sujet est aussi évanescent qu’élégiaque.

L’intérêt de Georges Rey pour les salles obscures débuta à l’adolescence, lorsqu’il voyait jusqu‘à trois films par jours ; il est cohérent qu’il se soit occupé très tôt de la diffusion sous toutes ses formes. Saisissant l’enjeu éducatif du cinéma, qui n’est encore porté ni par l’éducation nationale ni par les politiques culturelles, il forme des animateurs de ciné-club (1968-1972). A partir de 1975, il se démultiplie sur la scène lyonnaise pour montrer les facettes du cinéma expérimental : cofondateur de deux salles (le Cinéma, puis le Cinéma opéra) il sera aussi programmateur hebdomadaire dans l’unique centre d’art contemporain lyonnais des années 1970-80 (l’ELAC) et d’un ciné-club à l’Ecole des beaux arts de Lyon. Il sera co-commissaire de la 3e biennale d’art contemporain de Lyon (1995) et enseignera le cinéma dans les écoles supérieures d’art de Grenoble, Lyon, Chalon-sur-Saône jusqu’aux années 2010. L’éloignement volontaire des lourdeurs du cinéma, de ses dispositifs financiers, des clichés de la narration ont offert à ce cinéaste un cheminement artistique exemplaire de liberté.

 

Françoise Lonardoni, 2021

 

 

— De 1956 à 1971 : Après des formations techniques d'ajustage et de dessin industriel, il a poursuivi           des cursus commercial, juridique, comptable, pour aboutir à des études d'histoire de l'art et                   d'esthétique

— De 1962 à 1964 : Surveillant à la Martinière Diderot

— De 1966 à 1971 : Surveillant à l'École des Métiers

— De 1968 à 1972 : Dans le cadre de Jeunesse et Sport, il a formé des animateurs de ciné-clubs

— De 1969 à 1982 : Cinéaste expérimental. Certains de ses films sont dans les collections du Centre         Pompidou et du Musée d'Art Moderne de New York. Depuis 1982 réalisateur de vidéos sur des             artistes contemporains

— De 1971 à 1980 : Adjoint de direction dans une société de gaz

— De 1971 à 1972 : Chroniqueur musical à la revue Reflets de la vie Lyonnaise et du Sud- Est et de             1972 à 1973 à la revue Résonnances Lyonnaises

— De 1975 à 1985 : Organisateur d'un ciné club à l'école des Beaux Arts de Lyon entre midi et 14h

 

— De 1976 à 1995 : Fondateur et responsable du département vidéo de l'Espace Lyonnais d'Art                 Contemporain. 52 séances par an, où furent montrés de l'art vidéo, du cinéma expérimental et des     films sur des artistes

 

— De 1976 à 2000 : Gérant du Cinéma et de 1982 à 2000 du Cinéma Opéra; deux salles à Lyon                 classées "recherche" et "édition"

 

— De 1981 à 2007 : Professeur à l'École Supérieure d’Art de Grenoble

— De 1999 à 2007 : Professeur de cinéma à l’École Nationale des Beaux-Arts de Lyon

— De 2009 à 2010 : Intervenant dans le domaine des nouvelles technologies spécialement de                   l’interactivité à l’école média art de Châlon-sur-Saône

 

— De 1994 à 1995 : Co-commissaire de la Biennale de Lyon 95. La 3ème Biennale d'Art Contemporain     avait pour thème : la Vidéo, l'Informatique et le Cinéma

 

— De 1996 à 1998 : Responsable de la vidéo et des nouvelles technologies au Musée d'Art                          Contemporain de Lyon

 

— De 1997 : Commissaire de Version originale, exposition sur l’Internet, proposée par Le Musée                 d’Art Contemporain de Lyon, qui réunissait des oeuvres originales de 27 artistes contemporains

 

— De 1998 à 1999 : Commissaire “artistique” de Changement de temps manifestation regroupant 7         artistes dans 7 monuments nationaux à l’occasion de l’an 2000

— 2009 : Commissaire de l'exposition So punk ? à l'Institut d'Art Contemporain de Villeurbanne                  proposant une série de films musicaux, une exposition de documents d'époque et l'organisation de      concerts dans lesquels se sont produits 8 groupes

— 2016 : Commissaire de la manifestation Le rayon vert, à Sfax, Tunisie, dans laquelle une                           exposition intitulée Des mondes parallèles montrait 8 installations de vidéos. Pendant le mois                   que durait l'évènement des conférences et des projections de vidéos étaient organisées

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